La Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, parue au Journal officiel du 27 janvier 2024, comprend une partie relative au travail des étrangers, qui intéresse directement les employeurs. Elle porte, notamment, sur la régularisation des étrangers en situation irrégulière employés dans un « métier en tension », la mise en place d’une nouvelle amende administrative en cas d’emploi irrégulier d’un travailleur étranger et l’implication des entreprises dans l’apprentissage du français par les étrangers.
I – La régularisation des étrangers employés dans un « métier en tension »
La loi prévoit un dispositif temporaire de régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière employés dans des métiers en tension, qui sera mis en œuvre jusqu’au 31 décembre 2026.
Ainsi, un étranger en situation irrégulière pourra se voir délivrer, « à titre exceptionnel », une carte de séjour temporaire « salarié » ou « travailleur temporaire » d’une durée d’un an.
Pour ce faire, il devra remplir les 3 conditions suivantes :
1) Avoir exercé comme salarié pendant au moins 12 mois consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois, un « métier en tension », relevant de la « liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement », laquelle sera actualisée au moins une fois par an.
La liste des métiers en tension actuellement en vigueur est celle de l’Arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l’emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse paru au Journal officiel du 2 avril 2021. Vous trouverez ci-après un extrait du texte concernant la région des Pays de la Loire
Arrêté de 2021 sur les métiers en tension Pays de la Loire
2) Occuper un tel métier au moment de sa demande.
3) Justifier d’une période de résidence ininterrompue d’au moins 3 années en France.
La demande d’autorisation de travail est effectuée auprès de la Préfecture par le salarié lui-même et non par son employeur, ce qui représente une spécificité de cette nouvelle procédure.
Dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, le préfet prend en compte pour la délivrance du titre de séjour, outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, d’autres éléments à savoir son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française, son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de la société française ainsi qu’aux principes de la République.
À noter que les 3 conditions exposées ci-dessus ne sont pas opposables au préfet, qui demeure libre de faire droit ou non à la demande de carte de séjour, y compris si le travailleur étranger les remplit.
Par ailleurs, aucune carte de séjour ne sera délivrée à un étranger ayant fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnée au bulletin n°2 du casier judiciaire.
Le titre de séjour délivré ne vaut pas automatiquement autorisation de travail. La loi prévoit en effet que l’autorité administrative vérifie « par tout moyen la réalité de l’activité alléguée ». Ce n’est qu’après cette vérification que l’autorisation de travail, matérialisée par un document sécurisé, est délivrée.
Par une circulaire conjointe des ministres de l’intérieur et des Outre-mer et du Travail, de la Santé et des Solidarités en date du 5 février 2024, les modalités d’instruction des demandes d’admissions exceptionnelles au séjour au titre des métiers en tension sont détaillées aux préfets.
Il y est précisé que les données collectées en matière de non-respect des obligations relevant de l’employeur, comme par exemple la conformité du taux horaire de rémunération avec la convention collective applicable ou le SMIC, pourront être communiquées aux corps de contrôle dans un objectif de lutte contre le travail illégal.
II – La mise en place d’une nouvelle amende administrative en cas d’emploi irrégulier d’un travailleur étranger
Jusqu’à la loi, une entreprise qui employait un travailleur étranger sans titre de travail devait verser à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) une contribution spéciale, ainsi qu’une contribution forfaitaire représentative des frais d’éloignement du territoire français de l’étranger concerné lorsque celui-ci était par ailleurs en situation de séjour irrégulier.
La loi supprime ces contributions, au profit d’une nouvelle amende administrative qui peut être infligée en cas d’emploi d’un étranger sans titre de travail, mais aussi en cas d’emploi d’un étranger ayant un titre de travail lorsque celui-ci est employé dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles mentionnées sur son titre (son champ d’application est donc plus large que celui de l’ancienne contribution spéciale à l’OFII).
Elle est prononcée par le ministre chargé de l’immigration au vu des procès-verbaux mais aussi des rapports établis par les agents de contrôle (ce n’est donc plus l’OFII qui s’en charge).
Son montant est fixé par le ministre au regard des capacités financières de l’auteur, du degré d’intentionnalité, du degré de gravité de la négligence commise et des frais d’éloignement du territoire français du ressortissant étranger.
L’amende est au plus égale à 5.000 fois le taux horaire du minimum garanti (soit à titre indicatif un maximum de 20.750 € en 2024) par travailleur étranger concerné. Elle peut être majorée en cas de réitération avec dans ce cas un maximum de 15.000 fois le minimum garanti (soit des montants comparables à ceux de l’ancienne contribution spéciale).
Un décret précisera les conditions d’application de cette nouvelle amende.
À noter qu’en parallèle, le montant de l’amende pénale encourue en cas d’emploi d’étranger sans titre de travail passe de 15.000 € à 30.000 € par travailleur étranger concerné et son champ d’application est élargi au cas de l’emploi d’un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles mentionnées sur son titre de travail.
Lorsque l’employeur se voit infliger à la fois l’amende administrative et l’amende pénale, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues.
III – L’implication des entreprises dans l’apprentissage du français par les salariés étrangers
La loi prévoit plusieurs mesures pour organiser la contribution des entreprises à la formation en français des travailleurs étrangers allophones, c’est-à-dire ceux dont la langue maternelle est une langue étrangère, à savoir :
1) Mobilisation du plan de développement des compétences.
Au titre des actions de formation que l’employeur pourra proposer dans le cadre du plan de développement des compétences, il sera possible d’inclure des formations à destination des salariés allophones leur permettant d’atteindre un niveau minimal en français fixé par décret.
2) Possibilité de suivre sa formation en français sur le temps de travail.
Les salariés allophones signataires du Contrat d’Intégration Républicaine (CIR) engagés dans un parcours de formation en français visant à atteindre un niveau minimal fixé par décret pourront suivre leur formation sur leur temps de travail, dans la limite d’une durée également à fixer par décret.
Ce temps de formation constitue du temps de travail effectif et la rémunération du salarié est maintenue.
3) Formation en français dans le cadre du Compte Personnel de Formation (CPF) sur le temps de travail
Les salariés allophones signataires du CIR, qui mobilisent leur CPF pour suivre une formation en français visant à atteindre un niveau minimal fixé par décret, réalisée en tout ou partie durant le temps de travail, bénéficieront d’une autorisation d’absence de droit, dans la limite d’une durée fixée par décret.