Face à une demande grandissante de pratiques agricoles durables et de produits de qualité, l’agriculture biologique connaît un développement soutenu. Cependant, dans un contexte économique marqué par une forte inflation, les produits conventionnels, plus abordables, continuent de dominer le marché alimentaire, répondant aux contraintes budgétaires des ménages. Ce déséquilibre soulève des questions cruciales sur l’avenir du bio, son attractivité pour les consommateurs et sa viabilité pour les producteurs.
Une adoption fragilisée par l’inflation
Ces dernières années, la production biologique française a connu une forte expansion, portée par de nombreuses conversions agricoles. Cela a permis d’accroître l’offre, y compris pour l’exportation, notamment en blé bio. Toutefois, cette ouverture aux marchés mondiaux expose la filière à des fluctuations importantes. La pression sur les prix s’intensifie, entraînant une baisse de la contractualisation pluriannuelle, autrefois sécurisante pour les agriculteurs. Ainsi, les prix du bio tendent à se rapprocher de ceux du conventionnel, accentuant leur volatilité.
Pour les cultures de protéines végétales, telles que les lentilles, pois chiches ou le soja, les défis s’accumulent : des rendements impactés par des ravageurs compliquent davantage la donne. Pendant ce temps, la consommation de produits bio, freinée principalement par leur coût, recule. Selon le Baromètre 2024 de l’Agence Bio, seuls 30% des Français consommaient des produits biologiques au moins une fois par semaine en 2023, contre 52% en 2021.
Les répercussions de cette baisse de consommation sont multiples : fermetures d’enseignes spécialisées, réduction de la production d’aliments pour animaux bio et surcapacités dans les infrastructures récemment développées pour répondre à la demande. L’inquiétude grandit quant à une potentielle vague de dé-conversions, rendant les investissements de la filière en aval largement excédentaires.
Une concurrence accrue pour les labels bio
Le bio fait désormais face à une montée en puissance de nouvelles certifications et labels, répondant à la quête des consommateurs pour des produits de qualité et plus sains. Si ces alternatives élargissent les choix alimentaires, elles complexifient également le paysage des mentions sur les emballages, rendant le choix du consommateur plus confus. Ainsi, 54% des non-consommateurs de bio expriment des doutes sur la conformité réelle des produits biologiques, d’après le même baromètre.
Par ailleurs, le développement des circuits courts, privilégiant des produits locaux et des relations directes entre producteurs et consommateurs, ajoute une dimension concurrentielle au bio. Bien que cette tendance réponde aux attentes croissantes de transparence et de proximité, elle relègue le bio à une solution parmi d’autres pour bien manger, et non plus à une réponse unique.
Un modèle à réinterroger pour les producteurs
Sur le plan économique, être engagé dans le bio ne protège plus de la volatilité des prix. De nombreux agriculteurs s’interrogent sur la pertinence de maintenir leur certification, notamment face à une conjoncture défavorable. Au-delà des contraintes économiques, cette réflexion touche également à des enjeux plus personnels : quels sont les objectifs et les valeurs qui sous-tendent leur choix de produire en bio ?
Pour beaucoup, cette remise en question implique une analyse approfondie de leur situation :
- Pourquoi ai-je choisi le bio ?
- Qu’est-ce qui me plaît dans ce mode de production ?
- Puis-je améliorer mon fonctionnement pour en renforcer la viabilité ?
- Quel niveau de prix ai-je obtenu ?
En conclusion : vers un bio réinventé ?
L’agriculture biologique est à un tournant de son développement. Si le bio ne représente plus la seule voie vers une alimentation durable, il conserve une valeur importante dans l’écosystème alimentaire. Une réflexion collective entre producteurs, distributeurs et consommateurs est indispensable pour repenser son positionnement et en assurer la pérennité. Le défi réside dans la capacité à redonner du sens à la démarche bio, tout en l’adaptant aux réalités économiques et sociétales actuelles.