La mise en œuvre de la réforme des retraites à effet du 1er septembre 2023, portée par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 du 14 avril 2023, a donné lieu à 2 premiers décrets d’application n °2023-435 et 2023-436 du 3 juin 2023, parus au Journal officiel du 4 juin 2023 (voir la lettre employeur de juillet-août 2023).
Entre le 29 juillet 2023 et le 31 août 2023, 16 autres décrets nécessaires à l’application de la réforme au
1er septembre 2023, ont été publiés. Nous nous attacherons ici plus particulièrement aux 8 décrets ayant trait :
- au cumul emploi-retraite
- à la retraite progressive
- aux dispositions liées au montant et à l’existence de la pension de retraite.
Les 8 autres décrets sont en lien à la suppression de 4 régimes spéciaux pour les nouveaux embauchés au
1er septembre 2023, qui seront désormais affiliés au régime général (clercs et employés de notaires, personnel de la RATP, des industries électriques et gazières, de la Banque de France) et des dispositions spécifiques pour certains secteurs (Opéra national de Paris, élus locaux,…).
A – Cumul emploi-retraite intégral : droit à une seconde pension désormais
Le cumul emploi-retraite intégral ou total est la possibilité pour un assuré de cumuler entièrement une pension de retraite et une activité professionnelle, à condition toutefois :
- de bénéficier d’une retraite à taux plein : soit avoir l’âge légal de départ à la retraite (relevé progressivement de 62 ans à 64 ans) et justifier de la durée d’assurance requise (relevée progressivement à 172 trimestres), soit avoir l’âge de 67 ans,
- d’avoir liquidé toutes ses pensions de retraite de base et complémentaires.
Avant la réforme, le fait de travailler en cumul emploi-retraite ne permettait pas d’acquérir de nouveaux droits à retraite.
À compter du 1er septembre 2023, en contrepartie des cotisations versées en cumul emploi-retraite total, des droits à une seconde pension, complémentaire à la première, seront ouverts.
À noter : si la reprise d’activité a lieu chez le dernier employeur, ce nouveau droit sera subordonné à une condition spécifique de délai ; il faudra attendre au moins 6 mois entre la liquidation de la pension de vieillesse et la reprise d’activité.
1) Calcul et montant de la seconde pension
Le montant de cette nouvelle pension, bénéficiant du taux plein, calculée sur les seules périodes cotisées (rachats de cotisations exclus) sans aucun supplément, accessoire ou majoration, ne pourra pas dépasser un plafond annuel fixé à 5 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale. Pour avoir un ordre de grandeur, en 2023, le Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS) s’établissant à 43.992 €, le plafond annuel de 5 % est de 2.199,60 €.
La seconde pension sera servie dans les conditions du régime dont relève l’assuré au titre de cette nouvelle pension. Le salaire servant de base au calcul de la pension sera le salaire mensuel moyen correspondant aux cotisations permettant la validation d’au moins un trimestre d’assurance, versées entre la date à laquelle l’assuré remplit les conditions du cumul emploi-retraite total et la date d’entrée en jouissance de la nouvelle pension de vieillesse.
2) Demande et liquidation de la seconde pension
Le salarié, qui aura cessé son activité, devra adresser au régime de retraite de base dont il relève au titre de la nouvelle pension une demande de seconde pension via un formulaire commun aux différents régimes de retraite et conforme à un modèle fixé par arrêté. Un récépissé de sa demande lui sera délivré par la caisse de retraite destinataire, laquelle sera chargée de communiquer aux autres régimes de retraite, le cas échéant, copie du formulaire et des pièces justificatives à la liquidation des droits qui leur incombe.
La pension ne pourra être versée au plus tôt qu’à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel le salarié a rompu tout lien professionnel avec son employeur.
À noter : après liquidation d’une seconde pension, une nouvelle activité n’ouvrira pas droit à une autre pension, en principe.
B – Retraite progressive
Actuellement, la retraite progressive permet aux assurés qui ont au moins 60 ans (âge légal diminué de 2 ans) et 150 trimestres d’assurance d’exercer une activité professionnelle à temps partiel ou à temps réduit, comprise entre 40 % et 80 % de la durée du travail à temps complet exprimée en heures ou en jours/demi-journées, tout en bénéficiant d’une partie de leur pension de vieillesse.
Une fois que le salarié décide de prendre sa retraite, sa pension provisoire est recalculée, en tenant compte des droits acquis du fait de l’exercice de l’activité à temps partiel ou réduit.
À compter du 1er septembre 2023, le dispositif de la retraite progressive connaît 3 modifications majeures.
1) Relèvement de l’âge d’ouverture du droit à la retraite progressive
L’âge d’accès à la retraite progressive reste fixé à 2 ans avant l’âge légal de départ en retraite mais compte tenu du relèvement progressif de ce dernier de 62 à 64 ans pour les assurés nés à compter du 1er septembre 1961, il suivra le même rythme pour passer de 60 à 62 ans.
Le tableau ci-après indique l’âge possible d’entrée en retraite progressive selon les générations.
Année de naissance |
Âge légal de départ en retraite après réforme (hors retraite anticipée) |
Âge possible d’entrée en retraite progressive |
1er janvier – 31 août 1961 |
62 ans |
60 ans |
1er septembre – 31 décembre 1961 |
62 ans et 3 mois |
60 ans et 3 mois |
1962 |
62 ans et 6 mois |
60 ans et 6 mois |
1963 |
62 ans et 9 mois |
60 ans et 9 mois |
1964 |
63 ans |
61 ans |
1965 |
63 ans et 3 mois |
61 ans et 3 mois |
1966 |
63 ans et 6 mois |
61 ans et 6 mois |
1967 |
63 ans et 9 mois |
61 ans et 9 mois |
A partir de 1968 |
64 ans |
62 ans |
2) Ouverture du bénéfice de la retraite progressive à des salariés non soumis à une durée du travail
La LFRSS pour 2023 a ouvert le bénéfice de la retraite progressive aux salariés non assujettis à une durée d’activité définie par un employeur (VRP, salariés rémunérés à la tâche, au rendement, à la pige ou par un fixe, à la commission,…), à effet du 1er septembre 2023, sous 2 réserves, à savoir que leur activité, exercée à titre exclusif, leur procure un revenu minimal et que ce revenu fasse l’objet d’une diminution.
Ces conditions liées au revenu sont précisées par 2 décrets :
- L’assuré doit avoir un revenu annuel issu de cette activité supérieur ou égal à 40 % du SMIC brut en vigueur au 1er janvier de l’année considérée calculé sur la durée légale du travail.
Le revenu pris en compte est celui de l’avant-dernière année civile précédant la date de la demande.
- La quotité de diminution des revenus professionnels dans le cadre de la retraite progressive sera calculée le 1er juillet de chaque année ; elle correspond au rapport entre la diminution des revenus professionnels de l’année précédant la demande et la moyenne annuelle des revenus professionnels des cinq années précédant cette demande, en fonction des coefficients de revalorisation basés sur l’inflation.
Les revenus pris en compte pour l’établir sont ceux retenus pour constituer l’assiette d’imposition sur le revenu. Cette quotité de diminution des revenus professionnels ne peut être ni inférieure à 20 % ni supérieure à 60 %.
3) Modalités de la demande de retraite progressive et de la réponse de l’employeur précisées
Le salarié devra adresser sa demande à l’employeur par lettre recommandée avec avis de réception (LRAR), en indiquant la durée du travail souhaitée ainsi que la date d’effet envisagée pour la mise en œuvre du travail à temps partiel ou à temps réduit, 2 mois au moins avant cette date.
L’employeur devra répondre à la demande du salarié également par LRAR dans un délai de 2 mois à compter de sa réception de la demande.
Jusqu’à présent, les salariés à temps plein ne pouvaient pas accéder au dispositif de retraite progressive en l’absence d’accord de leur employeur pour diminuer leur durée du travail.
À compter du 1er septembre 2023, l’employeur ne pourra s’opposer à la demande de passage à temps partiel ou à temps réduit que s’il justifie que la durée du travail souhaitée par le salarié est incompatible avec l’activité économique de l’entreprise. De plus, l’absence de réponse écrite et motivée de l’employeur dans les 2 mois vaudra accord de sa part.
C – Dispositions liées au montant et à l’existence de la pension de retraite
4 décrets portent des mesures dont les objectifs affichés pour certaines sont de réduire certaines « injustices » ou « inégalités » et de gommer les effets d’interruption de carrière.
1) Revalorisation du montant de la pension
- a) Augmentation de la pension minimale
La pension de vieillesse de base au taux plein ne peut être inférieure, lors de sa liquidation, à un montant minimal, dit « minimum contributif », qui tient compte de la durée d’assurance accomplie par l’assuré dans le régime général. Il est majoré si la durée d’assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré est d’au moins 120 trimestres.
Le montant de la pension minimale et sa majoration sont revalorisés pour les pensions prenant effet au
1er septembre 2023 :
- Minimum contributif : 8.509,61 € par an (709,13 € par mois), soit une augmentation de 300 € par an (25 € par mois) par rapport au montant applicable depuis le 1er janvier 2023.
- Minimum contributif majoré : 10.170,86 € par an (847,57 € par mois), soit une augmentation de 1.200 € par an (100 € par mois) par rapport au montant applicable depuis le 1er janvier 2023.
Ces montants seront revalorisés chaque 1er janvier en fonction de l’évolution du SMIC depuis le 1er janvier précédent.
À noter que les règles d’éligibilité au minimum contributif majoré seront assouplies pour les assurés ayant réduit ou interrompu leur activité professionnelle afin d’élever leurs enfants ou de s’occuper d’un proche malade, handicapé ou en perte d’autonomie.
- b) Majoration de la pension minimale des actuels retraités
Les petites pensions des actuels retraités, c’est-à-dire ceux dont la pension de vieillesse a pris effet avant le 1er septembre 2023 sont également revues à la hausse.
Les actuels retraités qui justifient d’une carrière complète et d’au moins 120 trimestres cotisés bénéficieront d’une majoration de leur pension égale au maximum à 1.200 € par an (soit 100 € par mois), à effet du 1er septembre 2023.
Par équité avec les nouveaux retraités, la majoration de pension minimale des actuels retraités ne pourra pas conduire à porter leur pension de base au-delà de 10.170,86 € par an.
- c) Surcote en faveur de certains parents
En principe, la surcote, c’est-à-dire la majoration du montant de la pension, ne peut être accordée qu’aux assurés qui atteignent l’âge légal de départ à la retraite et qui réunissent la durée d’assurance requise pour le taux plein, mais qui continuent de travailler. Elle est de 1,25 % pour chaque trimestre supplémentaire accompli.
La réforme a introduit un mécanisme dérogatoire applicable dès le 1er septembre 2023 : s’ils justifient d’une carrière complète et bénéficient d’au moins un trimestre au titre de certaines majorations de durée d’assurance pour enfant, une surcote pourra être octroyée aux parents pour l’année précédant l’âge légal de départ, soit dès 63 ans à terme.
- d) Intégration d’indemnités journalières maternité antérieures à 2012
Les indemnités journalières (IJ) versées dans le cadre des congés maternité commencés à partir du
1er janvier 2012 sont incluses déjà dans le salaire de base servant au calcul de la pension.
Avec la réforme, les IJ de sécurité sociale versées lors de congés ayant débuté avant le 1er janvier 2012 sont prises en compte sur une base forfaitaire, sous condition d’affiliation ayant fait l’objet d’un versement de cotisations.
2) Prise en compte de certaines périodes
2. a) Stages d’insertion professionnelle
À compter du 1er septembre 2023, des périodes de stage d’insertion professionnelle, qui avaient donné lieu à cotisations prises en charges par l’État sur une base forfaitaire réduite, permettront de valider des trimestres d’assurance pour l’ouverture du droit à pension de vieillesse.
Il s’agit, par exemple, des Travaux d’Utilité Collective (TUC), des stages « Jeunes volontaires » ou encore, des programmes d’insertion locale.
2. b) Etudes supérieures et stages en entreprise
Pour rappel, les assurés ont la possibilité de racheter, dans la limite de 12 trimestres et sous certaines conditions, leurs périodes d’études supérieures, à un coût réduit, afin d’améliorer leur pension de vieillesse.
Avant la réforme, la demande de rachat devait être effectuée dans les 10 ans suivant la fin des études.
Désormais, la demande pourra être adressée au plus tard le 31 décembre de l’année civile du 40e anniversaire.
En ce qui concerne les stages, les assurés du régime général ont la possibilité de racheter, dans la limite de 2 trimestres et à tarif préférentiel, leurs périodes de stage en entreprise ayant donné lieu à gratification accomplies dans le cadre d’études supérieures.
Avant la réforme, la demande de rachat devait être effectuée dans les 2 ans suivant la fin du stage concerné.
Désormais, la demande pourra être adressée au plus tard le 31 décembre de l’année civile du 30e anniversaire.
2. c) Sportifs de haut niveau
Les textes portant réforme des retraites a prévu que le nombre maximal de trimestres pouvant être validés en tant que trimestres « assimilés » par les sportifs de haut niveau sera augmenté de 16 à 32.
Cette mesure s’applique aux périodes d’inscription en tant que sportif de haut niveau postérieures au
1er janvier 2023, soit en « en amont des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 » comme précisé par un communiqué de presse du ministère du Travail du 22 août 2023.
La loi du 14 avril 2023 avait également ouvert la possibilité de racheter, dans la limite de 12 trimestres, les périodes pendant lesquelles une personne a été inscrite sur la liste des sportifs de haut niveau et qui n’ont pas été prises en compte à un autre titre dans un régime de base de sécurité sociale.
Le décret 2023-800 du 21 août 2023 précise que cette demande doit être adressée au régime général quel que soit le ou les régimes d’affiliation de l’assuré.
3) Création de 2 nouveaux dispositifs
3. a) Assurance Vieillesse des Aidants (AVA)
Pour améliorer les droits à retraite des aidants de personnes malades, en situation de handicap ou en perte d’autonomie, la loi du 14 avril 2023 a prévu la création de l’Assurance Vieillesse des Aidants (AVA) qui englobe, à compter du 1er septembre 2023, certains actuels bénéficiaires de l’Assurance Vieillesse des Parents au Foyer (AVPF) ainsi que de nouveaux publics d’aidants.
Les décrets précisent les conditions dans lesquelles certains aidants peuvent valider des trimestres d’assurance vieillesse par le biais de l’AVA, notamment en fixant le niveau d’incapacité de la personne aidée. Ainsi, sera notamment et gratuitement affiliée à l’AVA la personne qui n’exerce aucune activité ou seulement une activité à temps partiel et qui a à sa charge un enfant handicapé de moins de 20 ans non admis en internat et dont l’incapacité permanente est au moins égale à 80 % ;
Est considéré comme exerçant une activité à temps partiel l’aidant dont les revenus professionnels perçus au cours de l’année d’affiliation sont inférieurs à 63 % du plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l’année considérée
3. b) Pension d’orphelin
La loi réformant les retraites met en place, dans le régime général de sécurité sociale, une pension d’orphelin.
Ainsi, en cas de décès, d’absence ou de disparition de l’ensemble des personnes avec lesquelles il entretient un lien de filiation à compter du 1er septembre 2023, l’orphelin aura droit à une pension pour chaque assuré décédé, absent ou disparu, jusqu’à un certain âge et en fonction du montant de ses revenus d’activité.
Le montant de la pension d’orphelin sera égal à 54 % de la pension principale dont bénéficiait ou aurait bénéficié l’assuré décédé, absent ou disparu, avec un montant minimum fixé à 100 € bruts mensuels revalorisé chaque année en fonction de l’inflation
Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, publiée au Journal officiel du 15 avril 2023,
Fermeture de 4 régimes spéciaux :
Décrets n° 2023-689, 2023-690, 2023-692 et 2023-693 du 28 juillet 2023, publiés au Journal officiel du 29 juillet 2023
Retraite progressive, cumul emploi-retraite, revalorisation des minima de pension, AVA et pension d’orphelin :
Décrets n° 2023-751, 2023-752, 2023-753, 2023-754, 2023-759 et 2023-760 du 10 août 2023, publiés au Journal officiel du 11 août 2023
Surcote parental, IJ maternité avant 2012, stages en entreprise et études supérieures, sportifs de haut niveau :
Décrets n° 2023-799 et 2023-800 du 21 août 2023, publiés au Journal officiel du 22 août 2023
Dispositions spécifiques à certains secteurs :
Décrets n° 2023-838, 2023-839 et 2023-840 du 30 août 2023, publiés au Journal officiel du 31 août 2023