Il est fréquent, dans certains secteurs d’activités, que les petites entreprises aient recours à l’échange ou au prêt de main-d’œuvre entre elles.
Cela est généralement motivé par 3 grandes raisons :
- besoins ponctuels dans un contexte où les recrutements sont difficiles
- partage des salariés en cas de baisse d’activité
- aide à un voisin ou ami qui rencontrerait des difficultés momentanées (maladie…)
S’il s’agit d’une pratique répandue, ces échanges de personnel s’inscrivent néanmoins dans un cadre légal et réglementaire très strict. Dans l’hypothèse où ce cadre ne serait pas respecté, l’entreprise prêteuse ou utilisatrice s’exposerait à des sanctions pénales et financières lourdes.
Quels sont les différents dispositifs légaux autorisant les échanges de main-d’œuvre entre entreprises ?
Le prêt de main-d’œuvre
Le prêt de main-d’œuvre est une opération juridique qui consiste pour une entreprise « prêteuse » à mettre à la disposition d’une entreprise « utilisatrice » un ou plusieurs salariés durant une période précise et définie.
Cette opération doit obligatoirement être réalisée dans un but non lucratif, de sorte que l’entreprise prêteuse pourra uniquement facturer à l’entreprise bénéficiaire les salaires versés aux salariés, les charges sociales associées et les éventuels frais professionnels remboursés à ces salariés à l’occasion de leur intervention.
Le salarié concerné devra impérativement donner son accord préalable et un avenant à son contrat de travail devra être établi.
Les 2 entreprises, quant à elles, devront signer une convention dite de « mise à disposition » pour chacun des salariés concernés.
Le bénévolat et l’entraide familiale
Le principe est qu’une entreprise ne peut pas légalement avoir recours à de la main-d’œuvre bénévole, représentée par des personnes qui travailleraient sans aucune contrepartie (argent ou avantage en nature).
La loi admet néanmoins une exception à ce principe pour le cas d’une personne du cadre familial (ou éventuellement amical) qui interviendrait de manière très exceptionnelle et ponctuelle dans une entreprise. On parle, dans ce cas, d’une entraide « familiale ».
L’appréciation de cette entraide par les services publics est très restrictive, de sorte que cette aide apportée ne doit pas intervenir pour se substituer à un emploi normalement salarié et nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise. Elle est très régulièrement remise en cause par l’administration.
L’entraide agricole
Il s’agit d’une forme de coopération spécifique aux entreprises du secteur agricole et exclusivement réservée aux exploitants eux-mêmes, et non à leur personnel.
Ce système repose sur un principe d’entraide et d’échange de services réciproques entre agriculteurs ; il peut prendre la forme soit d’une aide à la réalisation de travaux, soit de la mise à disposition de matériels d’exploitation.
L’entraide agricole implique nécessairement la gratuité dans le service, la réciprocité et l’équivalence dans les échanges.
A la différence des autres formes d’entraide, l’entraide agricole peut être occasionnelle (et non exceptionnelle) et plus ou moins régulière, sous réserve de ne pas être abusive.
Les risques
Tous ces dispositifs sont extrêmement normés et encadrés par la loi car compte tenu de leur gratuité, ils permettent de s’exonérer de tout ou partie du coût social normalement associé à l’emploi d’un salarié.
Le non-respect des conditions liées à ces dispositifs expose l’entreprise prêteuse comme l’entreprise utilisatrice à des sanctions pénales, financières et même administratives lourdes (suppression des aides à l’embauche), notamment et principalement au titre du travail dissimulé.
Ex : le prêt de main-d’œuvre illicite est sanctionné d’une amende pouvant aller jusqu’à 150 000 €.
Au-delà du risque de sanction pour travail dissimulé, il convient également de prendre en considération le risque de requalification de la relation en CDI, ainsi que les risques liés à l’éventuelle survenance d’un accident à l’occasion de l’intervention qui pourrait se traduire par la non couverture de cet accident par les organismes de prévoyance et la nécessité pour l’entreprise de devoir supporter financièrement l’ensemble des conséquences d’un tel événement.
Le conseil du juriste
Renseignez-vous pour savoir dans quel cadre vous pourriez éventuellement vous situer face à un besoin ponctuel de ressource ou de prêt de main-d’œuvre, et soyez vigilant quant à la formalisation de ces échanges (conventions de mise à disposition).
Pour ceux d’entre vous dont le besoin d’échange et de partage de main-d’œuvre ne serait pas ponctuel, sachez qu’il existe aussi des solutions, notamment avec la constitution de Groupements d’Employeurs entre plusieurs entreprises distinctes ou appartenant à un même « groupe » de sociétés.