Cerfrance a réalisé une étude prospective du paysage laitier en Normandie et Pays de la Loire à horizon 2025-2035.
Neuf scénarios possibles pour les producteurs laitiers ont été élaborés avec pour chacun les raisons du choix de ce scénario, les facteurs clés de succès et les points de vigilance. Les solutions proposées reposent sur des prospectives liées aux tendances de marché et l’exercice s’affranchit des données, tout en apportant des solutions réalistes pour la production laitière.
- Scénario 1 : assurer des volumes complémentaires
Les régions en déprise laitière ou avec une moindre présence d’éleveurs laitiers (Est, Aquitaine, Centre) représentent 20% de la production française. Ce volume, évalué à 5 milliards de litres de lait, pourrait être rapatrié dans les régions productrices. Dans ce cas, il s’agira d’agrandir progressivement l’exploitation. Cette stratégie permettra d’assurer une transmissibilité à terme. Il faudra veiller à ne pas faire grandir trop rapidement.
- Scénario 2 : les cahiers des charges des laiteries se différencient
Ce scénario est imaginable dans le cadre d’un durcissement des cahiers des charges des laiteries, qui vont traiter de moins en moins de lait collecté en vrac (exigence de traçabilité). Les outils industriels suivent et se spécialisent. Ce type de scénario est possible sur un territoire dense en élevage laitier comme les Pays de la Loire. Pour réussir, l’éleveur devra réaliser une étude de faisabilité à partir du cahier des charges de la laiterie. Il doit conserver une capacité d’adaptation car l’industriel peut changer d’axe en fonction de l’opinion du consommateur. Ce choix peut s’imposer à l’éleveur s’il n’a pas d’alternative de collecteur. Il devra nécessairement se plier au nouveau cahier des charges.
- Scénario 3 : aller vers les produits laitiers bio
Ce scénario bénéficie de l’engouement du consommateur pour le bio. Avec 2200 producteurs bio en France, le marché passe d’un marché de niche à une maturité certaine. Les perspectives pour 2035 s’établissent à + ou – 6% du marché français (en volume). Ce scénario nécessite pour l’éleveur laitier de la technicité (ex la production de fourrage de bonne qualité) et un environnement favorable à l’écosystème bio : contexte pédo-climatique adapté, possibilité d’extensifier le système, mettre le cheptel au pâturage… Dans le temps, il sera accordé une attention particulière à des cahiers des charges qui peuvent s’alourdir, des contraintes de production pesantes. Il s’agira également de s’affranchir des aides (qui peuvent diminuer voire disparaitre) et de privilégier les marchés porteurs, les marchés du beurre et fromage bio restant en berne.
- Scénario 4 : aller vers les produits laitiers AOP
Ce scénario est rendu possible car il s’inscrit dans un contexte de marché stable, avec peu de développement de nouvelles AOP prévu. Ce marché est par ailleurs défendu par les instances AOP – AOC. Il s’inscrit dans une tendance à la différenciation avec les produits industriels. L’intérêt pour l’éleveur est d’avoir une reconnaissance de ses produits associée à une valorisation vis-à-vis du consommateur. Il sera vigilant aux contraintes de production (temps de travail augmenté), à un cahier des charges qui peut s’alourdir dans le temps et à être autonome par rapport aux aides.
- Scénario 5 : changer de laiterie
Le choix de ce scénario s’est imposé dans un contexte de consommation mondiale accrue. L’offre européenne n’augmentant pas du fait de la baisse du nombre d’éleveurs, on peut aisément imaginer que le rapport offre / demande s’inverse. Un territoire où sont implantées plusieurs laiteries permet à l’éleveur de faire son choix. Il établira celui-ci en parfaite cohérence avec sa stratégie d’éleveur qui bien sûr rejoindra celle de la laiterie. Il lui faudra toutefois avoir une vision objective de l’apport réel pour le potentiel d’exploitation compte tenu de son projet d’éleveur et du contrat proposé.
- Scénario 6 : réaliser une vente directe de produits laitiers
Le point de départ de ce scénario est que le nombre de « locavores » (consommateur de produits locaux) se développe. Pour l’éleveur, l’étude du potentiel de marché s’avère, de même que la mesure de l’investissement de production. L’éleveur s’inscrira dans un réseau plus global de producteurs (achat, production, vente). Cette intégration facilitera par ailleurs son identification par le consommateur. L’éleveur sera vigilant quant à dégager une valeur ajoutée minimale compte tenu d’un volume de travail qui augmente et d’une logistique contraignante.
- Scénario 7 : produire en complémentarité de l’élevage laitier
Ce scénario est abordé dans le cadre du constat de dé-densification de certaines zones laitières. Produire en complémentarité s’inscrit dans une valorisation du produit viande ou de produits végétaux. L’éleveur devra s’organiser autrement (devenir autonome face à la faiblesse des services). Il fera le choix d’un basculement partiel ou total vers d’autres productions. Les clés de la réussite pour ce scénario sont la maîtrise des investissements et un environnement économique qui se maintient.
- Scénario 8 : réduire les coûts de revient
Ce scénario répond à un contexte de concurrence mondiale, qui favorise la recherche de compétitivité. Les marchés sont libres, sans intervention publique. A ce contexte s’ajoute un fait sociétal : les conditions d’hier (astreintes, travail en couple dans l’exploitation…) ne sont plus acceptées aujourd’hui. Charge à l’éleveur de mutualiser la traite, chercher à mécaniser, automatiser (optimisation du système), faire tourner ses outils de traite au maximum. Les écueils pour l’éleveur seraient de grandir trop vite (baisse de performance économique, sans réduction du coût de revient) et d’avoir à gérer un montage financier complexe généré par un groupement de grande taille.
- Scénario 9 : arrêter l’activité
L’arrêt d’activité est évoqué comme scénario possible eu égard au contexte de crise laitière et de zones en déprise. Il répond à une rentabilité de l’entreprise détériorée et à une difficulté à aller vers les scénarios précédents. L’éleveur cherchera alors à valoriser son patrimoine avant dépréciation. Il s’agira pour lui d’organiser sa reconversion par un bilan de compétences, et, de s’ouvrir à d’autres milieux et à de nouvelles opportunités. Comme pour tout projet, l’enjeu pour le chef d’entreprise sera d’anticiper et de préparer son arrêt d’activité.